Une exposition à Cala Figuera, Mallorque
Artistes: Emily Bates, Didier Bay, Stanley Brouwn, Jacques Charlier, Arnaud Cohen, Simone Decker, Wim Delvoye, Jerry Frantz, Sanja Ivekovic, Anne Marie Jugnet, Filip Markiewicz, Jill Mercedes, Nedko Solakov, Antoine Prum, Bert Theis, Luca Vitone
Commissaire: Enrico Lunghi
L’exposition Me voici, entre réalités et utopies, (la virgule fait partie du titre) regroupe les œuvres de seize artistes qui, chacun à sa manière, ont marqué la petite histoire de l’art contemporain au Luxembourg. Des œuvres fragiles et poétiques y côtoient des images fortes et politiques, laissant aussi une belle place à l’humour et la joie de vivre.
En 1999, pour son projet On the wing, Nedko Solakov avait fait écrire sur les ailes de six Boeing de la compagnie Luxair, des textes humoristiques et satyriques que les passagers chanceux pouvaient lire de quelques sièges bien placés ; en 2001, Stanley Brouwn publiait un livre d’artiste sous le titre an imaginary column of 30 feet on place guillaume in luxembourg, livre accompagnant son exposition monographique d’une radicalité extrême au Casino Luxembourg – Forum d’art contemporain ; et, dans le même lieu, Didier Bay avait déjà créé la polémique en 1997 avec Sédiments1969-1997, projet dont le déroulement se poursuit encore aujourd’hui.
Parmi les artistes luxembourgeois qui se sont fait remarquer à la biennale de Venise, on retrouve Simone Decker, qui en 1999 inaugure le pavillon national dans la Cà del Duca avec l’étonnant Chewing and Folding projects qui, d’un point de vue conceptuel, peut être considéré comme la plus grande exposition monographique en plein air jamais réalisée, tandis qu’avec son film High moon in the sinking city Antoine Prum s’appropriait à la fois le décor de cinéma abandonné représentant la Sérénissime à Esch-Belval et les discours des plus célèbres curateurs et théoriciens de l’art contemporain de l’époque, par exemple Hans-Ulrich Obrist et Nicolas Bourriaud.
En 2003, en même temps que Su-Mei Tse remportait le Lion d’or pour le meilleur pavillon national, Jill Mercedes réalisait son projet Talking to strangers, avec lequel elle offrait aux personnes rencontrées une larme-spermatozoïde en verre ayant la particularité de tomber en poussière dès que l’on brisait son flagelle. Quant à Jacques Charlier, son projet 100 Sexes d’artistes, organisé en 2009 depuis le Luxembourg, connut un grand succès artistique et médiatique suite à la censure grotesque exercée par la biennale et la ville de Venise.
Lady Rosa of Luxembourg de Sanja Ivekovic avait provoqué une polémique d’une ampleur inouïe dans le pays en 2001, avant de connaître un succès international et d’être exposée au MoMA de New York en 2011. À cette occasion, Jerry Frantz publia une carte postale représentant la Gëlle Fra enceinte estampillée « Entartete Kunst ».
En 2006, dans le cadre de son exposition Ovunque a casa propria au Casino Luxembourg, Luca Vitone avait fait hisser un drapeau de six mètres sur neuf sur le mât qui surplombe la vallée de la Pétrusse ; sa couleur noire est celle des anarchistes, sa roue rouge symbolise les peuples nomades et sans terre que sont les Roms, mais qui pourrait aussi valoir pour le nombre grandissant de gens contraints de fuir dans le monde.
Bert Theis, dont le travail artistique était, tout au long de sa vie, à la fois un engagement politique et intellectuel, est représenté avec Isola Utopia et Aggloville (Milano), deux images fascinantes créées pour Isola Art Center qui réunissait des habitants, des artistes, des architectes et des écrivains pour s’opposer à la destruction par les promoteurs immobiliers du cadre de vie et des liens sociaux dans son quartier de la métropole lombarde.
Tandis que Anne-Marie Jugnet et Emily Bates ont fait partie de plusieurs expositions au Luxembourg et intégré les collections du Mudam, Wim Delvoye a, entre autres, marqué les esprits avec son projet Cloaca 2000-2007 au Casino, avant de voir le Mudam lui consacrer sa première rétrospective en 2016. Enfin, Filip Markiewicz qui poursuit son œuvre polymorphe et originale, notamment avec la chanson Midnight Sun, et Arnaud Cohen, sculpteur atypique et auteur de projets et de performances engagées et dérangeantes, complètent la liste de cette exposition réalisée avec peu de moyens financiers et beaucoup d’amour pour la liberté de l’art.
Exposition du 12 au 27 juin 2024 babelmallorca.org/hereiambabelmallorca